Sur la milonga d’el Ayer d’Abel Fleury dans la transcription pour guitare de Jesu Amaya.
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A1
D’une saison à l’autre
Pèsent les pas qui collent,
Glissent les farandoles
Des jours gais qui s’envolent.
Ruminant sa revanche sur l’été
L’automne s’est pointée
A pris sans crainte ses quartiers
Et fait trembler les peupliers.
Comme des feuilles délicates,
Les mantes religieuses aux bras pliés
Les papillons aux robes écornées
Sombrent sans hâte dans les prés.
Dans tous les bois , des feux figés
S’allument au froid du vent glacé
Qui ravive leurs bouquets,
Midi rougeoie de leurs brasiers.
Dansent en silence leurs reflets,
Puis se dissipe avec la nuit
L’ombre incertaine de leurs flammes
Qui se dérobent à qui les suit .
Le long vol des oiseaux au lointain
Laissent amers ceux qui restent au matin
A chanter dans un coin de jardin
La couronne d’un roi en vain
Qui brûle ses saisons à vouloir le palais
Où trône seul le temps.
Dans leurs derniers sursauts,
Elles œuvrent pour le vide
Ces feuilles bariolées qui tapissent le jour
De parures étoilées de taches d’or,
D’argent rouillé, de bistre et de vermeil :
Le faire-part obscur d’un visiteur masqué
Qui s’annonce sans grâce,
Puis s’invite au présent, et c’est l’hiver.
A2
Des balcons encombrés,
De fleurs mauves et bruissantes,
Neige une pluie cendrée
De perles amarante ;
Dans la levée du jour,
Les oiseaux se récitent les promesses
Que la nuit en douce maîtresse
Leur a glissé sous le manteau ;
Pour qu’ils célèbrent en écho
La folle ivresse des ruisseaux
Et le cortège qui les suit
Du chant bruyant des crapauds.
Elle vagabonde d’eau en eau,
Elle grimpe au sommet des roseaux,
Elle se glisse au creux des enclos
Et dénoue les fils des rideaux ;
Elle fait son nid dans chaque trou,
Des murs moussus aux haies touffues
Puis rebondit sur les toits chauds
Frissonnant de plaisir ;
C’est la lumière qui court, s’éclaire,
Dans les clairières, sous les rameaux,
Poussière d’or sablée qui erre
Au vent nouveau ;
La petite flamme vacillante
Qui veillait sur l’espoir
Qu’un jour vienne s’étendre
Les rayons d’un soleil neuf
Qui se faisait attendre
De sa mèche usée a rallumé les couleurs ;
l’alternance de leurs transes
se balance et se relance
dans l’azur qui miroite
et soudain c’est l’été.
Jysse Heffe