Sur la musique de Te va milonga D’Abel AYER (transcription J. Amaya et G. Schroeter).
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A1
Là-bas, c’est un coin sombre,
Où chacun croit voir l’autre
Qu’il aurait tant aimé
Pour lui prendre sa place,
Au point de le haïr
Pour ce qu’il ne peut être
Dans l’envers d’un décor
Aux mur de carton-pâte .
Là-bas, c’est l’abat-jour
Qui sert de soleil neuf ;
Là-bas, c’est pour toujours
Qu’il faut s’avouer veuf
Des rêves et des désirs,
Des vœux et des soupirs
Qu’on laisse sur les bancs.
Partout naissant de nulle-part,
L’écho pur d’un ailleurs
Insaisissable et doux
S’infiltre dans les songes .
Sur tous les miroirs des écrans
Papillonnant dans le brouillard,
Son concert de mélopées
Installe ses mensonges.
Là-bas, la mer ensoleillée
Disperse ses reflets
Sur un peule épuisé
De chaises vides en procession,
Qui bordent et sourient, édentées,
Dans l’attente d’un instant
De ferveur retrouvée
Dans le maquis confus
Des souvenirs usés
Qui grelottent d’ennui
Et observent muets
Le bonheur déjà creux
Du ronflant défilé
De ceux qui marchent encore.
A2
Là-haut, la vie est pomponnée
Dans sa tenue de soie
Et se veut au palais
Plaire à tous à la fois.
Là-haut, les tuiles bien rangées
Ne glissent pas des toits
Sans se mettre à tomber
Dans un ordre courtois.
Là-haut, c’est sofa,
Canapés et salons,
C’est ballades choisies
Et valses d’oraisons.
Là-haut, c’est le sosie
de tous les paradis
dont on chante le nom.
Là-haut, c’est savoir au matin
Ce que sera le soir
Sans avoir à douter
De pouvoir y goûter,
Puisque que cela court de source
De savoir qui on est,
D’où l’on vient, où l’on va
Et ce que l’on fait.
Là-haut, c’est tout-terrain,
C’est modèle et c’est sport,
C’est des spots plein les yeux,
Et des diam’s sous la glace.
Là-haut, c’est le coté
Du pavé qui est côté,
Et toujours au cordeau,
Tiré comme un sou neuf.
Là-haut, c’est évident
Qu’on y tient bien sa place,
Qu’on mérite son rang,
Qu’on était fait pour çà .
C’est bien ce là-haut-là
Qui ne saurait être ailleurs
Pour se voir en miroir
De se voir qu’on y est
Comme l’éclat pur d’un matin
Ivre de naître au creux
D’une fenêtre.
Jysse Heffe